MA BASTIDE
Une histoire d'amour avec un territoire, au nom du roi de France baptisé par Guy Guiard. J'y naquis un printemps, bastide rose vie, ma demeure, mon port, où j'ai passé et vis l'essentiel de mes jours.
De la forêt d'Artiz qui couvrait les coteaux, au quatorzième siècle émergea la bastide. Les rues en quadrillage autour de la grand place, des douves comme enceinte pour la mettre à l'abri.
Chacun avait trois ans pour bâtir sa maison et pour mettre en culture un bout de la forêt. Ensuite on y vivait, protégé par la charte, on devenait quelqu'un, dans un destin commun.
Comme Jean l'historien, j'aime aussi à penser, que ce sont des Cathares, les premiers installés. Et que d'eux nous tenons cet esprit de révolte, contre les injustices, l'exploitation des hommes.
Terre de liberté! On ressent ton vécu au cœur de la cité. Au pied de ton église, ton château, ton moulin, des hommes patiemment ont tissé cet écrin l'imprégnant pour toujours de la lumière humaine.
Entre Montagne Noire et blanches Pyrénées, la dentelle de neige en ligne d' horizon, au sein du Lauragais, de ses milles collines, le paysage change à chaque pas de plus.
Coteaux en manteau ocre avec de rares arbres ou patchwork coloré, vert, jaune, blond ou autre, en fonction des cultures et au gré des saisons. Les cris et galopades des enfants de l'école, musique de la vie, font vibrer ce décor.
Il y eut des esprits forts au berceau de ses bras. Lamarque, avocat et révolutionnaire, qui marqua son époque. Maire et libre penseur, à sa mort enterré comme les infidèles, à l'écart, dans le talus de notre cimetière. Je suis sûr que pour lui, ce fut lui faire honneur.
Ramond le résistant, torturé mais muet, qui paya de sa vie, son combat, son silence, face à la barbarie. Un pays d'hommes libres, eux et les moins célèbres, leurs tombes d'herbes folles ou leurs noms sur la stèle. Tous enfants de Montgeard, inconnus au dehors, mais ici les héros de la fière cité.
Quand le soleil couchant enflamme la « foraine »*, quand le Cers ou l'Autan caressent la « canal »*, la bastide se livre, elle parle à nos âmes. C'est l'heure des esprits, l'humain qui nous unit.
Pour moi, comme pour ceux qui doutent d'autres mondes, avec les jours qui passent, le sens que prend ma vie, c'est bien le paradis qui est là sous la main. Il s'offre merveilleux à nos yeux enfantins. Reste à bien les ouvrir, c'est là que le bât blesse, face à l'obscurantisme, aux marchands de sornettes.
* La brique foraine et la tuile canal, qui donnent la couleur rose.
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Trois poèmes pour l'école de Sophie
MA PREMIERE RENTREE
Je buvais l'eau de la fontaine
Chassais les cailles avec ma chienne
Pêchais les grenouilles aux étangs
Jouais dans les bois et les champs
Ce matin là, réveillé tôt
Lavé, peigné, habillé beau
Des souliers neufs mais bien étroits
Un cartable trop lourd pour moi
Des enfants pleurent dans la cour
Coule une larme, le cœur lourd
Cinq ans et demi, je suis grand
Chagrin, je rentre dans le rang
L'école sent l'encre et la craie
La cire fraîche du parquet
La maîtresse parle et écrit
Mon esprit est bien loin d'ici
Cinquante six ans ont passé
J'y ai appris la liberté
A chaque rentrée tous les ans
Ressurgit mon âme d'enfant
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MAGIE D' AUTOMNE
Le peintre des saisons a fini son été
Fatigué, somnolent, enivré de gaité
Avec ces mois trop chauds, ce soleil insolent
La musique le bruit, l'ont laissé pantelant
De son pinceau magique il décore les haies
Les chemins, les jardins, les champs et les forêts
La campagne est parée des habits chatoyants
De pourpres, d'ocres, d'ors, de rouges flamboyants
Au sein de cet écrin, ce reposant décor
La nature assouvie nous offre ses trésors
Fruits gorgés de saveurs, appel à déguster
Dans la douce clarté d'un soleil apaisé
Sous une pluie de feuilles, éclair roux bondissant
Un ramasseur de noix, l'écureuil prévoyant
Le cèpe si parfait, pur bonheur pour les yeux
Un plaisir de cueillir cette offrande des cieux
Le peintre très bientôt bouclera son automne
Installera l'hiver et s'en ira bonhomme
Près dame nature se blottir chaudement
Sous le grand manteau blanc, dormir jusqu'au printemps
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COULEURS DE RENTREE
Cours d'école, parents, enfants, remue ménage
Cartables colorés, camaïeux des visages
Couleurs du monde, hâles d'été, métissés
Couleur enfant de France, couleurs de rentrée
Des silences, des cris, des rires, quelques pleurs
Un grand frère rassure une petite sœur
Les copains retrouvés après ces mois d'été
Le chagrin des mamans de laisser leur dernier
Maîtresses et maîtres, accueillants, bienveillants
Gèrent le tourbillon, désordre bon enfant
Mais le temps accélère, les rangs sont formés
Le silence se fait, départ pour une année
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